La lettre du contentieux #1 l'évaluation du préjudice économique

Aux termes d’un arrêt du 12 février 2020 n°17-31.614, s’est à nouveau posé, devant la Cour de Cassation, la question complexe de la réparation du préjudice économique et de son évaluation.

Dans cette affaire, deux entreprises spécialisées dans la création et la fabrication de produits d'arts de la table en cristal semblaient proposer les mêmes qualités de produits. La première société assigne la seconde en pratique commerciale trompeuse et en indemnisation de son préjudice sur la base d’un avantage indu.

En effet, la société concurrente, qui contrairement à la publicité qu’elle affichait de produits « made in France », faisait en réalité fabriquer, tailler et polir ses produits notamment en Chine, dont les coûts de revient étaient largement inférieurs à la société dont la production était localisée exclusivement en France.

Confirmation : l’économie réalisée par le concurrent comme élément du préjudice économique

Dans la continuité de sa jurisprudence antérieure (Arrêt du 18 octobre 2017 n°15-29.094), la Cour de Cassation entérine la possibilité pour les juges du fond, dans l’appréciation et l’évaluation du préjudice économique, de tenir compte de la question des économies réalisées par l’entreprise concurrente, retenant que « les pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissement intellectuels, matériels, ou promotionnels, d’un concurrent, ou à s’affranchir d’une règlementation dont le respect a nécessairement un coût , tous actes qui, en ce qu’ils permettent à leur auteur des pratiques de s’épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage anticoncurrentiel indu ».

Nouveauté : une exigence probatoire moindre lorsque le préjudice est difficilement quantifiable

La nouveauté introduite par l’arrêt du 12 février 2020 réside pour l’évaluation du préjudice dans « une moindre exigence probatoire lorsque le préjudice est particulièrement difficile à démontrer ».

Tel est le cas des pratiques décrites ci-dessus, qui renvoient notamment à celles de parasitisme ou celles consistant à éluder le respect d’une règlementation à l’origine d’un déséquilibre de concurrence entre deux structures.

Au cas de cette affaire, la Cour de Cassation a validé la position adoptée par la Cour d’Appel dans le calcul et l’évaluation du préjudice, et a admis que « la réparation du préjudice peut être évaluée en prenant en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectées par ces actes ».

De même, la cour de cassation rappelle qu’en matière de responsabilité pour concurrence déloyale, il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d'un acte de concurrence déloyale.

Enfin, elle confirme que si les effets préjudiciables de pratiques tendant à détourner ou s'approprier la clientèle ou à désorganiser l'entreprise du concurrent peuvent être assez aisément démontrés, en ce qu'elles induisent des conséquences économiques négatives pour la victime, soit un manque à gagner et une perte subie, y compris sous l'angle d'une perte de chance, tel n'est pas le cas de ceux des pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d'un concurrent, ou à s'affranchir d'une réglementation, dont le respect a nécessairement un coût, tous actes qui, en ce qu'ils permettent à l'auteur des pratiques de s'épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu.

C'est pour cette dernière raison que la Cour de Casssation a fait évoluer sa jurisprudence.