LETTRE DU CONTENTIEUX #5 : l'obligation de sécurité de l'employeur et le droit pénal
Le droit du travail consacre nombre d’obligations à la charge de l’employeur en matière de sécurité et de santé au travail.
C’est le cas en particulier des articles L. 4.141-1 et L. 4.141-5 du Code du travail qui instituent l’obligation pour l’employeur de dispenser une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité, de même que les mesures prises pour y remédier et d’organiser une formation pratique et appropriée à la sécurité au bénéfice des travailleurs qu’il embauche et des travailleurs qui changent de poste de travail ou de technique.
L’arrêt du 21 juin 2022 de la Chambre Criminelle de la Cour de cassation
Dans cette affaire, un salarié est victime d'un accident du travail à bord d'un navire de pêche, à l’origine d’une incapacité totale de travail de 60 jours. Après un dépôt de plainte, l’employeur, une société d’armement, est citée devant le tribunal correctionnel du délit de blessures involontaires avec ITT inférieure ou égale à trois mois, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement (infraction prévue par l’article 220-20 du Code pénal et sanctionnée d'1 an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende).
L’armateur est condamné en première instance et en appel. Les juges avaient ainsi retenu que :
- le salarié n’avait reçu aucune formation pratique et appropriée à la manœuvre dangereuse de virage de chalut et que cette absence de formation était à l’origine de l’accident
- en s’abstenant de dispenser une formation spécifique à la victime pour l’exercice d’une manœuvre particulièrement délicate, l’employeur avait commis une faute caractérisée, à l’origine de l’accident du salarié, par la violation délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité
Délit de blessures involontaires, le caractère particulier de l’obligation de prudence ou de sécurité
Après un pourvoi en cassation, l’arrêt de la Cour d’Appel, qui avait confirmé la condamnation de l’employeur, est censuré !
La Cour de cassation a ainsi considéré que :
- les articles L. 4.141-1 et L. 4.141-5 du Code du travail ne comportent que des obligations générales de prudence et de sécurité et non des obligations particulières
- le défaut de formation visé en l’espèce ne pouvait constituer la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement visée à l’article 220-20 du Code Pénal
Ainsi, la Cour de cassation énonce que la faute délibéré, qui permet de caractériser l’infraction prévue par l’article 220-20 du Code Pénal, suppose la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité.
Il en aurait tout autrement si le salarié en cause avait été intérimaire, car ce dernier doit bénéficier d’une formation renforcée à la sécurité.