La Lettre du Contentieux #3 Quel préjudice moral pour une entreprise ?
Il est ancré, depuis maintenant longtemps en jurisprudence, qu’une entreprise peut se prévaloir, outre d’un préjudice économique, d’un préjudice moral.
Cette jurisprudence désormais constante est, pour les cas des personnes morales, desquelles relèvent les entreprises, la consécration du principe applicable jusqu’alors aux personnes physiques, de la réparation intégrale pesant sur l’auteur d’un dommage.
Mais si une entreprise peut se prévaloir d’un préjudice moral et demander sa réparation, la question de la nature de celui-ci fait encore débat devant les juges.
C’est notamment le cas de la Cour d’Appel de VERSAILLES, qui dans un arrêt pour le moins récent, à eu l’occasion de juger du concept d’anxiété d’une entreprise.
L’anxiété est elle un préjudice moral réparable ?
Dans cette affaire (Cour d’Appel de VERSAILLES, 30 juin 2021, 9ème chambre), une société qui éditait des logiciels, avait poursuivi l’un de ses anciens salariés en réparation de son préjudice moral.
Cet ancien salarié avait fait chanter son ancien employeur en la menaçant de diffuser des informations à caractère confidentiel (données bancaires, fichiers clients, données du code source de l’application développée par l’entreprise etc…).
Pour prétendre à la réparation de son dommage, l’entreprise faisait valoir qu’elle avait été affectée par de tels procédés malhonnêtes.
Devant la gravité des faits reprochés et devant les preuves rapportées par l’entreprise, les juges d’appel ont tout de même rejeté la demande de cette dernière, considérant que le préjudice d’affection ou d’anxiété n’était pas réparable pour une personne morale.
Les magistrats de la Cour d’Appel ont rappelé que la réparation d’un préjudice moral suppose, pour une personne morale, de « démontrer la dégradation concrète de sa réputation ou de son image auprès de ses clients ».
Les préjudices moraux repérables
Si, pour la Cour d’Appel de VERSAILLES, le préjudice d’anxiété ne constitue pas un préjudice moral réparable, les personnes morales peuvent demander et obtenir réparation de leur préjudice moral, dès lors qu’est caractérisée une atteinte à la réputation, ou à l’image (Cour d’Appel de Paris, 12 février 2016, nº 09/13793).
Encore, une entreprise peut obtenir des dommages-intérêts en cas d’actes de concurrence déloyale à son encontre (Cass. com., 15 mai 2012, n°11-10.278). Le préjudice moral s’infère ici nécessairement du caractère déloyal et malhonnête des pratiques anticoncurrentielles.
En revanche, une entreprise ne peut pas obtenir réparation de son stress, les effets ne se manifestant que sur l’organisme d’une personne physique (Cass. com., 27 janvier 2021, n°18-16.784).
L’arrêt commenté, qui s’inscrit dans la lignée de cette décision, a été frappé d’un pourvoi en cassation.
Affaire à suivre !