La mise à disposition gratuite d’un immeuble peut nécessiter une autorisation de l’assemblée générale

La mise à disposition gratuite d’un immeuble peut nécessiter une autorisation de l’assemblée générale

Une société civile immobilière (SCI) propriétaire d’un immeuble est constituée entre deux associés en couple dont l’un assure la gérance de la société. Après leur séparation, la SCI, représentée par l’associé gérant, consent au bénéfice de celui-ci un prêt à usage portant sur l’immeuble. Une cour d’appel annule le prêt au motif que le gérant ne disposait pas des pouvoirs nécessaires à la conclusion de cette opération, dès lors qu’elle dépassait l’objet social faute d’y figurer.

L’ancien gérant fait valoir que le prêt entrait dans l’objet de la SCI peu important qu’il ne soit pas expressément mentionné dans la clause statutaire définissant l’objet.

Argument rejeté par la Cour de cassation : lorsque les statuts d’une SCI n’indiquent pas dans l’objet social la faculté de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite des associés, cette mise à disposition ne peut être décidée par le gérant seul et doit être autorisée par l’assemblée générale des associés statuant aux conditions prévues pour la modification des statuts.

À noter

Le prêt à usage est un contrat essentiellement gratuit par lequel une partie livre une chose à une autre pour qu’elle s’en serve et la restitue après usage (C. civ. art. 1875 et 1876).

La troisième chambre civile de la Cour de cassation avait déjà jugé que la mise à disposition gratuite d’un logement ne pouvait pas être autorisée par un gérant dans un cas où une telle mise à disposition était contraire aux statuts qui prévoyaient la location à titre onéreux des biens immobiliers de la société (Cass. 3e civ. 25‑2‑2007 n° 06‑11.833). Elle avait ensuite admis qu’une SCI ayant pour objet la gestion « par bail ou autrement » des immeubles dont elle était propriétaire autorisait le gérant à mettre ces immeubles à disposition des associés à titre gratuit (Cass. 3e civ. 11‑2‑2014 n° 13‑11.197).

À notre avis, il ressort de la présente décision que la mise à disposition gratuite doit être expressément prévue dans l’objet social pour que cette opération relève de la compétence du gérant. Cette solution s’applique quelle que soit la forme de mise à disposition gratuite envisagée, peu important l’éventuel contexte familial dans lequel la société a été créée.

La troisième chambre civile confirme par la présente décision que les associés peuvent ponctuellement déroger aux statuts d’une société civile en autorisant la conclusion de certains actes dépassant l’objet social. Il a déjà été jugé qu’un cautionnement consenti par une société civile n’entrant pas dans son objet social peut néanmoins être valable s’il résulte notamment du consentement unanime de ses associés (Cass. 3e civ. 13‑4‑2023 n° 21‑24.196). La troisième chambre civile avait aussi admis que la mise à disposition d’un immeuble au profit de l’un de ses associés en contradiction avec les statuts pouvait être autorisée à l’unanimité des associés (Cass. 3e civ. 25‑2‑2007 n° 06‑11.833).

L’apport de la présente décision est de permettre aux associés d’autoriser la mise à disposition gratuite d’un immeuble par une décision prise aux conditions prévues pour les modifications statutaires et non à l’unanimité.

Cass. 3e civ. 2‑5‑2024 n° 22‑24.503

© Lefebvre Dalloz